Il faut soutenir le Nouveau Front populaire
Par Pablo le vendredi 14 juin 2024, 13h12
Je suis communiste libertaire. Je suis syndicaliste révolutionnaire. Ce qui guide ma réflexion et mon action politique, c'est d'abord le pragmatisme. La stratégie révolutionnaire à laquelle je crois ne passe donc pas par les urnes, ni même par les institutions en place, parce que les structures sont toujours plus puissantes que les individus. Et pourtant, je vais soutenir de toutes mes forces le Nouveau Front populaire pour les trois semaines à venir.
D'abord, parce que les circonstances historiques l'imposent à tout antifasciste : la menace de l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite est réelle, et il faut l'empêcher par tous les moyens. Il se trouve que pour ma part je participe régulièrement aux élections, parce que je crois en l'importance de la diversité des tactiques (mon courant politique théorise le fait qu'il peut se tromper !), et donc ça ne me dérange pas de donner mon bulletin de vote, qui m'est inutile par ailleurs, aux camarades qui y croient et dont la stratégie est cohérente avec la participation aux élections. Surtout que ça ne me prend qu'une demi-heure, en moyenne une fois par an. Dans les circonstances actuelles en particulier, ça me semble encore plus important : cette fois-ci, glisser un bulletin dans une urne, c'est faire barrage à un risque concret d'accession au pouvoir de l'extrême droite. Je le dis en particulier aux personnes qui comme moi n'ont pas la participation aux élections dans le cadre des institutions politiques de la 5e République dans leur arsenal politique, mais qui n'ont pas non plus l'habitude d'aller voter. Contre l'extrême droite, je crois sincèrement qu'il le faut. Cela n'invalide en rien votre antifascisme de terrain, vos luttes concrètes, et vos activités militantes tout le reste du temps. Je l'ai fait à chaque fois, même en cas d'absence de la gauche au second tour, et même si j'ai des larmes qui me montent aux yeux rien qu'en l'écrivant parce que c'est difficile à titre individuel, je le referai systématiquement.
- Macron-Attal / Bardella-Le Pen, bonnet blanc / blanc-bonnet ? : Certainement pas ! — VISA
- Nos tâches immédiates face à l’extrême-droite — Syndicalistes !
Ensuite, parce que notre camp social a besoin de victoire : une victoire de la gauche dans les urnes peut donner un élan d'enthousiasme à des mobilisations massives qui auront à se battre POUR obtenir des avancées en terme de droits et de libertés, plutôt que de devoir encore une fois se battre CONTRE des reculs. Quand on dit que “la meilleure défense c'est l'attaque”, c'est pas pour rien. Quand on se défend, il faut gagner à chaque fois pour ne pas reculer, quand on attaque, il suffit de gagner une fois pour avancer. Il est grand temps de renverser la vapeur, et de permettre à notre camp social de passer à l'offensive. En tant que syndicalistes révolutionnaires nous avons cette double besogne de l'accompagnement quotidien pour des victoires immédiates, et de construire les structures démocratiques et autogestionnaires de la société de demain. Parfois, ces deux tâches entrent en contradiction (réclamer des primes au patron pour les salarié·es alors qu'on travaille par ailleurs à l'émancipation intégrale et donc l'abolition du patronat et du salariat). Souvent, les deux vont d'un même pas : former de nouveaux et nouvelles militantes en les accompagnant dans la défense de leurs droits, obtenir des victoires locales, renforcer l'organisation syndicale et l'enthousiasme pour y participer, élargir sa base et y renforcer la démocratie, etc. C'est le cercle vertueux de la stratégie des contre-pouvoirs. Ces victoires locales, dans les luttes, sont certainement les plus efficaces parce qu'également formatrices, mais ne sont pas les seules à pouvoir jouer ce rôle : il ne fait pas de doute qu'une victoire lors de ces législatives anticipées donnerait un coup de boost à l'ensemble du mouvement social, ne serait-ce qu'au niveau du moral. C'est une chance à ne pas laisser passer. C'est d'ailleurs un bon moment pour franchir le pas et vous syndiquer si vous ne l'êtes pas déjà (CGT : syndicalisation ; Solidaires : les syndicats ; FSU : je me syndique) !
Enfin, parce qu'un soutien n'est pas une adhésion pleine et entière : comme sa référence historique, ce nouveau Front populaire est un accord de circonstance entre des organisations de la gauche institutionnelle, qui, bien qu'il soit rejoint ou soutenu plus largement par d'autres organisations politiques plus radicales, par nos organisations syndicales, et par des associations, ne peut par définition que faire des promesses de compromis pour arriver à un consensus dans le grand écart qui sépare les plus radicaux de la France insoumise des plus libéraux de Place publique… sachant que rien de tout ça n'est vraiment d'extrême gauche. Pas de doute, le contenu du programme du Nouveau Front populaire (PDF) ne correspond pas à une rupture révolutionnaire, mais à des mesures immédiates favorables à notre camp social. Et on sait qu'absolument rien n'engage réellement les candidat·es à respecter ces promesses une fois élu·es, même en cas de victoire écrasante. C'est pourquoi il sera nécessaire, pour compléter une véritable dynamique de Front populaire à la hauteur de la référence historique, de construire une mobilisation massive du mouvement social dans son ensemble dès le lendemain des élections, et ce quels que soient les résultats de celles-ci. Qu'il s’agisse d’entrer en résistance contre un gouvernement d’extrême droite ou de faire pression sur un gouvernement de gauche que nous devrons pousser, par nos luttes, à tenir ses engagements puis à les dépasser, une mobilisation massive sera indispensable. Quoi qu'il en soit, nos meilleures armes contre le fascisme sont les luttes sociales pour défendre et étendre nos droits et nos libertés.
C'est pourquoi il faut nous organiser dès aujourd'hui. Il faut lancer partout et immédiatement des initiatives locales unitaires rassemblant sur une base résolument sociale et antifasciste tous les syndicats, organisations politiques, collectifs, et associations qui le veulent. Ces fronts unitaires doivent appeler dès que possible à des assemblées générales pour entamer les discussions à la base : sur quoi est-ce qu'il ne sera pas question de lâcher dans le programme ? et qu'est-ce qu'on voudra de plus que ce qu'il y a dans le programme ? comment on s'organise ? comment on se met en grève ? comment on fait le lien avec les autres boîtes/établissements du territoire ? Les unions locales des syndicats ont leur rôle à jouer. Il nous faut les renforcer. En 1936, le programme électoral sur lequel le Front populaire est élu est ”modéré et ambigu”, ce n'est que grâce aux grèves massives de mai et juin 1936 que les congés payés, la semaine de 40h, l'augmentation des salaires, le droit à la retraite, etc. ont été obtenus !
Pour en revenir au présent, si l'on veut permettre à notre camp social d'être à l'offensive, la première étape nécessaire est une victoire de la gauche dans les urnes lors de ces législatives anticipées.
Le 30 juin et le 7 juillet,
votons et faisons voter
Nouveau Front populaire !
MISE À JOUR 16/06/2024 : je suis ravi de constater que l'Union communiste libertaire, qui ne participe normalement pas aux élections, appelle à faire gagner le Nouveau Front populaire dans les urnes pour faire barrage à l'extrême droite et préparer la riposte sociale dans son communiqué “Bloquer le RN, préparer la contre-attaque !”.
Front populaire face aux réactionnaires !
Révolution sociale contre le capital !